Je voyage comme ça. Sans cartes précises, sans itinéraire figé. Je trace mes chemins à l’instinct, souvent en camping-car, le regard tendu vers ce qui échappe aux grandes routes. Il m’arrive d’emprunter la voie des poètes : celle du Facteur Cheval, avec son Palais idéal bâti pierre après pierre, de la main d’un seul homme convaincu que les rêves ont besoin de murs. Celle du Poète Ferrailleur, qui fait danser les machines comme des oiseaux fous dans un jardin de bric et de broc. Ou celle plus monumentale, plus spectaculaire, des Machines de l’Île à Nantes et de la Halle de la Machine à Toulouse, où l’imaginaire prend vie sous forme d’éléphants, d'arraignées ou de Minotaure.
Mais un jour, c’est un autre genre de poésie que j’ai rencontrée. Une poésie en énigmes, en couloirs, en indices à deviner. J’étais en Bretagne. Et ce jour-là, j’ai découvert Enigmaparc.
Je me souviens du moment précis, en juillet 2017. Je préparais mes prochaines vacances, seul devant mon ordinateur, à chercher une activité "inolite". Et soudain, ce nom : ENIGMAPARC. Un parc de loisirs... mais pas comme les autres. Un lieu où l’on traverse des mondes mystérieux, en résolvant des énigmes. Il ne m’en fallait pas plus. L’idée s’est glissée dans ma tête comme une devinette dans un rêve. Et quelques jours plus tard, j’étais devant l’entrée.
Sauf que… c’était complet. Evidemment. Qui aurait cru que le hasard m’amènerait là un jour de forte affluence ? Pourtant, ce n’est pas le panneau "complet" que je retiens. C’est l’accueil. La chaleur de cette personne (je sais maintenant qu'elle s'appelle Chris) qui, au lieu de me laisser repartir, m’a proposé une réservation pour le lendemain matin. Et mieux encore : elle m’a suggéré un endroit parfait pour passer la nuit avec mon camping-car, l’aire de Piré-sur-Seiche. J’étais déjà conquis. Et je n’avais pas encore franchi la première porte.
Le lendemain, à dix heures précises, je démarrais l’aventure. A l'époque, il y avait un mode expert : 48 énigmes, réparties dans douze mondes. Nous étions chronométrés et classés. En duo avec ma maman, nous nous sommes baptisés "Les Petits Belges". Et nous nous sommes lancés. Le résultat ? Plus de sept heures de jeu, une apparition éphémère dans le top 5 des Aventuriers et un souvenir gravé dans la mémoire. On venait de découvrir un concept unique : un parc qui se réinvente sans cesse. Chaque année, les énigmes changent. Tous les deux ans, un des mondes disparaît… pour renaître autrement.
Depuis, je reviens chaque année. Parfois même deux fois dans la saison, histoire de faire les deux parcours (rouge ou bleu) et de voir ce qui a changé. Car même si certains décors restent, les énigmes, elles, mutent, se transforment, s’amusent à nous surprendre. Et entre deux visites, il n’est pas rare qu’un petit jeu saisonnier fasse son apparition. J’en suis friand.
L’accueil n’a pas changé. C’est toujours cette équipe, stable, chaleureuse, attentive, qui vous reçoit comme un vieil ami. On retrouve les mêmes visages, les mêmes sourires. Et au centre de cette tribu : Chris et Eric, qui dirigent le parc :des passionnés, des créateurs, des entrepreneurs hors-pairs. Avec eux, je discute énigmes, on échange des idées, on se conseille des lieux insolites. Ce sont eux, d’ailleurs, qui m’ont fait découvrir La Java Bleue, un restaurant improbable à Amanlis, perdu dans la campagne, où l’on déguste une viande divine dans une ambiance aussi baroque que chaleureuse. Un lieu à leur image.
Mais retournons à Enigmaparc.
Douze univers. Douze mondes à traverser. Ils sont pensés comme autant de pages d'un grimoire maléfique. Et chacun a sa propre ambiance, sa propre logique, sa propre grammaire sensorielle.
Dans certains, il faut faire preuve de réflexion pure. Dans d’autres, c’est la détente, la manipulation, l’observation qui sont mises à l’épreuve. On manipule des objets, on aligne des signes, on cherche des codes, on teste des mécanismes. Tout est intégré dans le décor. Les énigmes ne sont pas des énigmes plaquées, mais des morceaux d’univers.
Certains mondes m’ont marqué.
Il y a Tac… Tic…, un labyrinthe de portes, déstabilisant, fascinant. Un enchaînement de pièces triangulaires où l’on se perd facilement si l’on ne prend pas garde à la consigne d’entrée. Et pour ceux qui ne la lisent pas… la sortie de secours devient vite la seule option. Mais c’est brillant. On joue autant avec l’espace qu’avec le cerveau.
Et puis il y a le tout nouvel univers, arrivé en 2025 : TerreSOStiles. Il remplace Enigma Beach. Ce n’est pas une simple mise à jour. C’est une métamorphose complète. On entre dans une cabane de naufragé, un abri d’île déserte, peuplé de centaines d’objets récupérés, de bouts d’histoires, de fragments de survie. L’ambiance est à la Robinson Crusoé, ou à Chuck Noland dans Seul au monde. Chaque recoin est un clin d’œil. Et si vous êtes attentif, vous retrouverez même… Wilson.
Ce soin du détail, cette capacité à créer des mondes immersifs avec peu de moyens mais beaucoup d’imagination, c’est ce que je trouve admirable. Les décors sont tous réalisés en interne, par une équipe de passionnés. Ils sont solides, bien pensés, esthétiques. Chaque élément est à sa place.
Et derrière chaque énigme, il y a une construction pédagogique. Car une bonne énigme, ce n’est pas qu’un obstacle. C’est un jeu d’équilibre entre frustration et plaisir. Elle doit être lisible, progressive, stimulante. Elle doit faire appel à la logique, mais aussi à l’intuition. Elle doit s’inscrire dans le décor, avoir du sens. Elle doit être testée, affinée, jusqu’à ce qu’elle donne envie de la résoudre sans jamais décourager. C’est un art. Et ici, il est respecté.
C’est aussi un modèle d’entreprise qui me plaît. Un parc de loisirs indépendant, enraciné dans son territoire, qui refuse le formatage des grandes franchises. Un lieu qui prend le temps de bien faire. Qui choisit de changer, mais à son rythme. Un modèle que j’aimerais voir plus souvent dans le monde de la culture. Et qui m’inspire dans mes propres projets. Je n’en dis pas plus. Mais l’idée fait son chemin.
D’ailleurs, les plus attentifs auront remarqué un clin d’œil à Enigmaparc dans l’un des labyrinthes de La Quête du Secret. Et pour les candidats à l’Académie d’Enigmologie, une référence très précise à Enigmaparc pourrait bien vous aider à réussir une des épreuves certificatives… A vous de jouer.
En fin de parcours, une boutique vous attend. Et là aussi, tout est pensé avec goût. Vous y trouverez des jeux, des livres (dont les ouvrages d’Enigmologie), des escape games. Bref, de quoi prolonger l’aventure à la maison. On vous y parle aussi des autres sites touristiques de la région, et avec votre Pass touristique remis à l'entrée, une réduction vous sera même accordée.
Côté logistique, rien à redire. Grand parking à l’entrée, espace pique-nique, mais surtout : le Saloon. Une buvette façon western, avec des snacks maison, généreux, savoureux, et vraiment abordables. Et si vous êtes en camping-car : vous êtes les bienvenus. Un espace est prévu. Même les chiens ont leur espace d’attente sécurisé. Il ne manque rien.
Et ce que j’aime surtout, c’est que tout le monde y trouve sa place. Que vous soyez féru d’escape games ou simple curieux, enfant de quatre ans ou grand-père joueur, vous serez embarqué. C’est un lieu familial, au sens noble du terme. Un lieu où l’on partage une expérience. Et où chaque visite est différente.
Je repars toujours avec un carnet rempli de notes, de pistes, d’idées à creuser. Car un bon univers se laisse contaminer. Il entre dans mes livres, dans mes jeux, dans mes spectacles. Enigmaparc n’est pas un modèle à copier, mais un modèle à écouter.
Et si vous aimez les énigmes, les jeux de piste, les voyages intérieurs, je vous le recommande. Non pas comme un simple parc à visiter, mais comme une aventure à vivre.
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